Devenir maraîcher·e : quelle formation pour s’installer ?
Quand on pense formation au maraîchage, on imagine souvent l’aspect technique de la profession : choisir ses semences, construire un tunnel, récolter… Mais il existe une dimension à ne pas négliger, celle de chef d’exploitation. Le maraîcher doit savoir produire mais aussi vendre les produits de sa ferme. Il doit savoir communiquer auprès de ses clients, gérer sa trésorerie, recruter … une profession qui requiert de multiples compétences.
Aujourd’hui, en moyenne, 30 à 50 % des installations maraîchères se font hors cadre familial et sont portées par des personnes non issues du milieu agricole. Se pose alors la question de l’accompagnement, de la création du projet et tout au long de son existence. Comment acquérir les clés pour consolider et pérenniser les aspects économiques, sociaux et environnementaux de sa structure ?
Dans ce premier article nous aborderons les formations diplômantes initiales qui mènent au métier de maraîcher avant de vous proposer dès la semaine prochaine un volet sur les formations continues qui permettent d’enrichir ses pratiques.
La profession de maraîcher a le vent en poupe !
Elle séduit autant de jeunes désireux de rester sur leur territoire et d’y exercer un métier à impact ; que des néo-ruraux en reconversion qui cèdent à l’appel de la terre et se lancent dans l’aventure entrepreneuriale. Dopée par la prise de conscience du grand public pendant le contexte pandémique du besoin d’autonomie alimentaire, les acteurs publics regardent eux aussi avec attention les productions locales de légumes. Faibles consommatrices foncières, fournisseur n°1 des établissements de restauration publique en circuits courts, le maraîchage semble une voie à explorer pour la reconversion du 1/3 des exploitations agricoles qui vont changer de main sur les 5 prochaines années.
Devenir maraîcher.ère, avec ou sans diplôme agricole ?
Attention aux raccourcis : le seul attrait de la terre ne suffit pas pour s’installer. Le maraîchage n’a rien d’un changement d’échelle avec la culture de son potager… Pour gérer une exploitation de 10 ha pour le maraîchage bio et 30 ha pour le conventionnel en moyenne (selon l’INSEE) il vous faudra plus qu’une formation initiale en permaculture de quelques jours… Maraîcher est un métier complexe, multi facettes, exigeant une solide formation.
Cependant, contrairement à une idée répandue, aucun diplôme n’est obligatoire pour devenir maraîcher.ère. Mais attention, sans possession d’une Capacité Professionnelle Agricole, sésame adossé à l’obtention d’un diplôme agricole de niveau Bac, vous aurez à faire une demande d’autorisation d’exploiter. Y compris si vous êtes propriétaire des terres. Cette autorisation est délivrée par le préfet de région.
A savoir également : la Capacité Professionnelle Agricole est nécessaire pour prétendre à certaines aides à l’installation. C’est notamment le cas de la DJA (Dotation Jeunes agriculteurs), une aide au démarrage sous forme de subvention.
Maraîcher, un métier aux compétences techniques larges
L’exploitant qui s’installe doit posséder de solides compétences en production de cultures en plein champs (connaissances des multiples espèces, maîtrise technique de la semence à la récolte, compétences en agronomie, …) et connaître les spécificités des cultures en tunnels (hygrométrie…).
Si vous travaillez en bio, des connaissances en biodiversité seront nécessaires (rôle des insectes, associations de plantes, nature des sols …).
Le maraîcher a également besoin d’acquérir des compétences très pratiques : la conduite d’engins, la construction d’un tunnel, la mise en place un système d’irrigation par exemple.
Le maraîcher est un véritable chef d’exploitation
Au-delà de la production pure, le maraîcher consacre près d’un tiers de son temps loin des champs, à la gestion de l’exploitation elle-même.
Il gère au quotidien ses commandes de semences, de matériel, facture ses clients, tient à jour sa comptabilité, gère le volet administratif, financier, et légal de sa ferme.
Le maraîcher doit aussi organiser, planifier et optimiser le travail de l’exploitation. C’est lui qui gère et anime les équipes, parfois avec du personnel saisonnier qu’il recrute, forme et encadre. Il prend en charge les aspects logistiques de la ferme, du champ jusqu’au consommateur ( préparation des commandes, tournée de livraisons)
Enfin c’est le maraîcher qui donne une perspective à son exploitation, le cap vers la ferme qu’il imagine demain : quel modèle de développement ? Vers quelles productions s’orienter ? Faut-il recruter ? Développer un modèle hybride : créer une ferme école, une formation en maraîchage …
De réelles compétences relationnelles sont nécessaires
C’est le maraîcher qui commercialise lui-même sa production. Il doit donc être capable d’intégrer les enjeux de son canal de vente dès le départ de son activité, il doit savoir fixer et négocier ses prix, faire connaître ses produits, tisser un réseau de partenaires soutenants, discuter avec ses clients et comprendre leurs attentes, entretenir des relations avec ses fournisseurs, les autres maraîchers et agriculteurs, et les différents acteurs locaux.
Choisir le maraîchage c’est donc avoir autant envie de travailler avec la Nature que tisser des liens de territoire forts.
L’enseignement agricole pluridisciplinaire
Toutes les compétences techniques de production, organisationnelles et opérationnelles requises à l’installation, sont au programme des formations initiales diplômantes dispensées dans l’enseignement agricole.
Celui-ci est placé sous la tutelle du ministère de l’Agriculture marquant bien les objectifs professionnels qui lui sont assignés. L’enseignement agricole se distingue également du point de vue des méthodes utilisées : éducation socio-culturelle, interdisciplinarité, travail organisé en petits groupes, implantation territoriale, coopération internationale. La pédagogie vise à développer le « savoir-être » à part égale du « savoir-faire » (analyse systémique, gestion de l’incertitude et de la complexité, expérimentation, créativité, innovation, coopération et travail en réseaux).
La pédagogie active et la mise en situation pratique (stages et immersion dans le milieu professionnel) sont également deux de ses points forts.
Où se former ?
Les formations diplômantes sont dispensées par les CFPPA (Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricoles), les MFR (Maisons familiales rurales), les lycées agricoles et les universités permettant de préparer aux diplômes agricoles du CAPA, Bac PRO, BTSA jusqu’au diplôme d’ingénieur.
Ces établissements possèdent souvent sur place une exploitation agricole, véritable outil de production grandeur nature au service de la pédagogie. Les formations justifient toutes de stages d’application en France et parfois à l’étranger pour découvrir d’autres cultures de pratiques maraîchères.
Obtenir une « Capacité Professionnelle Agricole » pour s’installer ?
Le parcours global du candidat (diplômes ou titres détenus, stages de formation effectués, expérience professionnelle agricole) est pris en compte pour l’obtention de la capacité professionnelle agricole.
Pour exercer le maraîchage de manière professionnelle, la possession d’un titre de propriété foncière, seule, ne suffit pas. Sur plusieurs critères, il faut obtenir une autorisation d’exploiter le foncier. Pour bénéficier de certaines aides de la profession, vous devrez être diplômé d’un titre de niveau IV minimum (niveau bac), équivalent au brevet de technicien agricole comme le Bac Professionnel ou le BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’Entreprise Agricole).
Celui-ci est le diplôme le plus connu. Le cursus permet d’allier connaissances techniques de productions agricoles mais aussi gestion administrative d’exploitation. Il a pour vocation de préparer à l’installation en même temps qu’il confère la Capacité Professionnelle Agricole.
Bon à savoir : cette formation peut également être suivie à distance.
Facteurs clé de réussite : l’expérience
Avant de vous lancer dans cette aventure passionnante qu’est le maraîchage, nous ne saurions trop vous conseiller de muscler votre expérience. A l’épreuve du vivant dont nous découvrons encore chaque jour les secrets, rien ne remplacera le fruit de l’expérience.
Stages de découverte, woofing, vous pouvez aussi offrir de votre temps à une AMAP, découvrir le lycée agricole proche de chez vous, en un mot mettre les mains dans la terre ! Et ainsi tester votre appétence et votre motivation à devenir maraîcher.e à temps plein.
Lire aussi :
Faire progresser sa ferme : la formation continue en maraîchage
Les temps de formations permettent de découvrir de nouvelles solutions, de trouver des ressources, d’acquérir des compétences au service de sa propre ferme et sont aussi précieux pour développer son réseau et faire de belles rencontres tout simplement. « Le moment où la ferme progresse le plus, c’est quand on en sort ! »
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