Maraîchage et entraide : la force du réseau
On a parfois cette image du maraîcher et de la maraîchère solitaires. Ce serait oublier qu’une entreprise fonctionne avec ce qui l’entoure. Le réseau se décline de différentes manières. Il vient à soi naturellement ou selon notre intervention et nos recherches. Une personne qui démarre son exploitation a la possibilité de nouer de nombreux liens. Cela contribuera à bien lancer son activité en limitant les erreurs et en se lançant plus sereinement.
Les échanges existent sous plusieurs formes, ce qui permet de se tourner vers ce que l’on préfère : réunions, réseaux sociaux sur Internet, téléphone, liens créés lors des formations, groupes locaux… Toute rencontre, même celle qui paraît anodine, peut se révéler importante. Le monde est à explorer pour apprendre et partager, acheter ou vendre groupé, cibler les acteurs de sa région pour la vente, etc. Internet renforce toutes ces possibilités. Difficile de passer à côté pour celles et ceux qui s’installent aujourd’hui, même si les moyens de communication traditionnels perdurent et demeurent fiables.
Des questions émergent : comment trouver efficacement ce qui nous correspond ? Comment se faire (re)connaître par les acteurs locaux ? Vers qui se tourner pour des conseils et des services ? Comment économiser les achats de matériel et de consommables tout en gardant une bonne opérabilité ?
Les groupements : une ressource élémentaire pour le matériel
Des solutions pour les achats de matériel agricole
Les coopératives permettent de mutualiser le matériel. Elles ne sont pas les seules. L’achat de matériel en commun vise à baisser les coûts de production, ce qui entraîne une baisse des dépenses, utiles pour améliorer le résultat comptable. Parallèlement, le bénéfice revient aussi à l’écologie, car qui dit moins d’achats dit aussi solution plus durable et optimisation de l’utilisation d’un matériel.
Le CUMA : coopérative d’utilisation en commun du matériel agricole
À peu près tous les départements de France possèdent leur fédération départementale des CUMA. Il existe environ 11 510 coopératives de ce type, qui regroupent 199 000 adhérents, soit près de la moitié des exploitations agricoles du territoire. Le site Cuma.fr met à disposition un annuaire pour contacter un·e référent·e, selon le département. Régulièrement mis à jour, le site est très pratique et propose même des articles d’actualités destinés à toute la filière.
Prestations de services, locations, échanges, investissements en commun et entraide
Le site internet Wizifarm répertorie beaucoup de solutions différentes pour louer du matériel agricole. Par exemple, il présente une application qui propose de gérer des locations (Petits comptes entre agri), mais aussi des sites comme WeFarmUp qui proposent de la location également, de la prestation et de l’investissement partagé.
Le SDAEC-TERRALLIANCE propose, dans 3 départements bretons, des solutions d’emplois externalisés. Les prestations mises à disposition sont des services de remplacement et du travail à temps partagé. Ainsi, le groupement emploie 330 salarié·e·s technicien·ne·s agricoles qui peuvent avoir pour mission de prendre le relais des adhérent·e·s (qui sont 6 000) en cas d’absence, ou renforcer en main d’œuvre de façon récurrente.
Le réseau associatif Terre de liens s’est assigné plusieurs missions, dont l’objet principal reste de faire progresser d’autres modes de gestion de la terre. Il définit ses missions ainsi : « Accompagner les projets d’acquisition de terres : accueil et conseil de futurs agriculteurs, instruction et prévalidation des dossiers d’acquisition de fermes, animation de groupes locaux de soutien aux fermes Terre de Liens ; mobiliser la société civile autour des enjeux liés à la terre : organisation de conférences-débats, de projections, de formations… ; sensibiliser et accompagner les collectivités territoriales pour favoriser une gestion responsable du territoire : formations d’élus, organisation de rencontres intercollectivités, guides d’accompagnement sur la gestion du foncier agricole. » C’est un site majeur pour développer son réseau et participer à des rencontres.
Le réseau au moment de l’achat foncier
De bonnes relations avec les élus du lieu choisi, destiné à recevoir son activité, semblent un bon point de départ pour trouver plus efficacement.
Les banques spécialisées du monde agricole telles que le Crédit Agricole, le Crédit Mutuel ou la Banque Populaire fournissent des prêts aux exploitant·e·s dans un premier lieu pour acheter du foncier. Ne pas oublier que de bonnes relations avec son banquier facilitent l’accès au crédit et le conseil averti d’un·e professionnel·le.
Pourtant, on peut faire appel à d’autres solutions pour être aidé·e, comme le relate le site Terre de liens. Le poids de l’acquisition foncière est tel, notamment pour celles et ceux qui ne sont pas d’une famille issue du monde agricole, qu’il faut solliciter une aide considérable auprès de différents mouvements. Parallèlement, adhérer à ces mouvements peut permettre de se constituer un véritable réseau, vivier de nourriture d’esprit et d’entraide.
Il ne faut pas hésiter à se faire connaître auprès des maraîchères et maraîchers déjà en activité. Quand nous avons rencontré Aude et Jules dans leur ferme du Pellerin (44), ils ont beaucoup insisté sur ce point. Ils n’auraient jamais trouvé leur terrain sans l’aide précieuse du maraîcher d’à côté !
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« On dit parfois que les agriculteurs sont isolés. Moi franchement c’était ma peur, de me sentir isolée dans ce métier là. En fait c’est toi qui crée ton environnement, la ferme reflète notre personnalité. Tout ce qu’on a créé autour, moi je suis contente de ce résultat là. »
Le réseau de départ : de la formation maraîchère à la pleine production
Au démarrage d’un projet, il semble important d’entretenir un solide tissage de services et de conseils. L’exemple des couveuses maraîchères, relayé sur le magazine de La Ruche qui dit oui, traduit tout à fait la tendance : « « Seule, ça aurait été trop dur. Au Germoir, on peut échanger, se concerter et trouver des solutions. On partage nos joies et nos angoisses. » […] Ailleurs en France, les espaces test agricoles connaissent également un beau développement. Au 1er mai 2014, 22 espaces sont en fonctionnement, 34 en projet. Le Champ des possibles en Île-de-France, initié par le réseau des AMAP, les Compagnons de la terre dans la Drôme, les Semeurs du possible en Bourgogne, les Prés d’Amont à Blois ».
Les lieux de formation sont, bien souvent, facteurs de liens. Que ce soit au cours d’une formation initiale, qui revêt plusieurs diplômes différents, comme le BTSA (Brevet de Technicien Supérieur Agricole), le CAPA (Certificat d’Aptitude Professionnelle Agricole), le Bac pro ou encore le BPREA (Brevet professionnel de Responsable d’Exploitation agricole) ou au cours d’une formation continue, tout le monde reste susceptible de tisser des liens. L’importance du réseau sera alors toujours mise en avant. La Chambre d’agriculture le souligne fort bien dans sa plaquette : « Intégrer un réseau de porteurs de projets ou un réseau technique de maraîchers en activité permet de prendre du recul, de nourrir son projet d’installation, mais aussi d’élargir ses connaissances. Se faire connaître dans des réseaux professionnels avant d’être installé permet d’échanger avec des maraîchers en activité et aussi peut-être de rencontrer un futur employeur ou transmetteur. »
Lorsque l’activité est lancée, on intègre d’autres réseaux.
Pour exemple, dans le Trégor, des maraîcher·ère·s se sont réuni·e·s à l’initiative de la Chambre d’agriculture de Bretagne, pour provoquer une occasion de travailler en groupe. Le site Terra.bzh nous informe : « Il s’avère que le groupe peut répondre à nombre de problématiques individuelles. Quatre sujets font consensus : la mutualisation des coûts et la valeur ajoutée des productions, une communication commune pour gagner en visibilité, le partage d’expériences et la gestion de la charge de travail. »
Le réseau Agriculture au féminin propose aux femmes exerçant ou ayant un projet agricole, de se rassembler pour « échanger et réfléchir à des solutions pour l’exercice de leur profession. » Initié en 2007, le réseau promeut la pratique féminine du métier, trop souvent mal considérée. Les créatrices du groupe, des agricultrices élues des Chambres d’agriculture de Bretagne, ont constaté que, proportionnellement, moitié moins de femmes que d’hommes détiennent des responsabilités dans les conseils d’administration des organismes professionnels agricoles de la région. Une aberration que le réseau veut atténuer. Les membres se rencontrent plusieurs fois par an. Les échanges apportent beaucoup, notamment dans l’accompagnement ou pour des « solutions pour faciliter un travail parfois très physique. »
Les réseaux institutionnels
Il arrive que les réseaux soient mis en place par une autorité nationale ou régionale, dont le but est d’aider les exploitant·e·s et de les soutenir. En parcourant les pages internet des Chambres d’agriculture (ces dernières étant des établissements publics répartis en départements, placées sous la tutelle de l’État), on trouve plein de propositions pour améliorer les performances des exploitations agricoles, mais aussi des contributions de services. La Chambre d’agriculture du Gers, par exemple, a mis en place une initiative désignée Le Gers vous drive, sous une bannière revendicative : « Gmazone, je consomme Gers ! ». Elle propose ainsi une boutique en ligne pour faciliter l’achat de produits locaux. Les Chambres d’agriculture offrent beaucoup de solutions pour vendre sa marchandise sous différentes bannières. Les régions pilotent des politiques agriculture et de développement durable. Ce sont elles qui soutiennent les formations professionnelles et gèrent le Fonds européen agricole pour le Développement rural (FEADER).
Au niveau départemental, soutenus bien souvent par une fédération régionale, des comités offrent un appui technique auprès des producteurs et élaborent des références techniques grâce aux groupes de travail et aux expérimentations qu’il mettent en place. Les groupements agricoles, comme le GAB22 (Groupement des Agriculteurs biologiques des Côtes-d’Armor), jouent aussi ce rôle d’accompagnement et d’information. La plupart des collectifs misent sur une présence sur le terrain.
Les bases de données comme Biobase, gérée par AbioDoc, Centre national de ressource en Agriculture biologique, s’avèrent aussi très intéressantes. Cette dernière regroupe une documentation portant sur l’agriculture biologique, écrite avec l’aide d’organismes venant de différents horizons, tels que la FNAB, l’INRAE ou l’ACTA.
Les réseaux informels et les associations
Les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram ou YouTube se révèlent utiles et nombreux, notamment pour promouvoir son métier ou développer son réseau.
Des pages Facebook tiennent au courant leurs abonné·e·s de l’évolution du monde agricole, des promotions en cours ou à venir, des rendez-vous locaux, des événements divers (comme un marché de producteurs ou une fête locale). Les pages dédiées aux exploitations sont nombreuses sur la plateforme. Des groupes y accueillent les adeptes d’une technique particulière, par exemple : maraîchage sur petite surface, sur sol vivant…
Farmr est un réseau qui permet d’échanger facilement, à la façon d’un réseau social classique, et de se connecter à d’autres agriculteurs et agricultrices, le tout gratuitement. Développé par la French tech’, il allie simplicité d’utilisation et praticité.
Les forums de discussion sont des lieux où l’on peut retrouver des informations, non pas en direct, mais en différé, classés en « topics » (ou sujets). Agriavis, Gros tracteur passion ou agri-cool.net rassemblent encore plus de 60 000 membres rien qu’à eux. Avantage : ils fourmillent de sujets, notamment sur des techniques précises ou des solutions aux dommages causés.
Mais pas toujours évident de s’y retrouver ! Ainsi, de nouvelles offres de formation émergent de manière à apprendre à manier différentes applications, dont celles sociales. Pour celles et ceux qui ne sont pas digital natives, cela permet de vite se former aux nouvelles technologies et de rejoindre des groupes déjà existants, de parfaire des recherches sur Internet, d’échanger et créer du lien entre utilisateurs.
Des outils au service de la communication
Le téléphone reste un moyen privilégié pour les échanges entre maraîcher·ère·s. Comme le dit Régis Orieux dans son interview par La Voix du maraîcher : « Maintenant on a un réseau de collègues maraîchers avec lesquels on échange. Moi je suis en contact régulier avec une dizaine de maraîchers. On s’appelle et on essaie de faire le point sur toutes ces questions. Il y a une entraide, on se donne les bons plans, les bons tuyaux. »
La plateforme de messagerie Whatsapp a pris son envol voici quelques années, et, selon une enquête Agrinautes, près de la moitié des agriculteurs et agricultrices français, en 2020, l’utilisaient. Plus pratique que Facebook ou les SMS, cette dernière est très accessible et son utilisation reste simple. Un groupe s’y crée très vite. Et en un coup d’œil, on peut reprendre une discussion. Les conversations groupées, alimentées parfois par des centaines d’intervenant·e·s, relaient conseils et comptes rendus, et font vivre le lien social.
Réseautons !
Ce blog se veut le vôtre et nous souhaitons vous interroger : quels sont vos rapports avec vos confrères maraîchères et maraîchers, mais aussi avec les autre secteurs de l’agriculture ? Avez-vous parfois souffert de la solitude ou avez-vous pris toujours soin de bien vous entourer ? Comment votre réseau s’est-il construit, et quel forme a-t-il aujourd’hui ?
Nous lirons avec la plus grande attention vos commentaires. Chacun de vos témoignages sera une ressource précieuse pour les futurs lecteurs.
C’est pourquoi nous vous proposons aussi de nous contacter si vous souhaitez que l’on vienne à votre rencontre. Comme Régis, Aude & Jules, Florent, Sefa (et d’autres à venir), vous pourrez partager votre experience, vos choix, vos convictions, vos conseils, en toute liberté.
On a hâte de faire votre connaissance.
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