[Vidéo] Les paniers enchamptés : « Ma stratégie pour durer, c’est bien me reposer »
Une ferme, deux exploitations
Séfa Atchade vient juste de terminer la préparation de ses paniers quand il nous accueille devant ses serres. C’est la fin du mois d’août à Pont-Labbé, dans le Finistère Sud (29). Séfa nous fait visiter ses 6 tunnels, puis son hectare de plein champ, qu’il partage avec son collègue Christophe. Cette organisation est atypique. Séfa et Christophe ont choisi de travailler en partenariat, mais sans être associés. L’objecif était d’éviter les sujets qui peuvent créer le conflit entre les personnes : l’argent et le temps de travail.
Ils ont donc élaboré leur propre système. Chacun exploite ses propres serres de A à Z. Mais dans le champ, c’est cultures en commun ! Le partage se fait au niveau des quantités : chacun a 50% des récoltes.
Une reconversion dans la continuité
Installé depuis 2017, Séfa n’a pas toujours rêvé d’être maraîcher. Il est titulaire d’un Master 2 en aménagement du territoire à Lorient. Mais déjà cette formation lui a permis de mettre un pied en agriculture. En effet, il effectue son premier stage sur la thématique de la requalification des friches agricoles et de l’accès à la terre, et le second sur la thématique de l’approvisionnement de la restauration collective en circuit court.
A l’issue de cette formation, Séfa ne trouve pas d’emploi. Il fait des petits boulots, notamment dans le secteur de la pêche, en attendant, et vient aider Christophe à la ferme. C’est celui-ci qui lui propose de s’installer à ses côtés, sur ses terres qui ne sont pas utilisées. Séfa accepte et se lance à fond dans son projet.
Toutes les étapes d’un business plan
De la commercialisation
Séfa élabore un business plan complet au lancement de son activité. « J’avais cartographié tout le pays bigouden ! » Il analyse les données de l’Insee, l’âge de la population, les déplacements, etc. Il constate qu’il y a beaucoup de personnes âgées et choisis de pratiquer la livraison de paniers à domicile. Rapidement, il constate que cette solution n’est pas rentable : il passe beaucoup plus de temps que prévu en déplacement.
Il part donc sur une autre hypothèse : beaucoup d’actifs souhaitent bien manger mais n’ont pas le temps de faire les marchés. Il crée alors son site internet et propose la vente de ses paniers dans un salon de thé-crêperie-épicerie (Le Petit Saint-Jean) à Saint-Jean-Trolimon. C’est une stratégie gagnant-gagnant : la clientèle et Séfa gagnent du temps dans leur organisation, et Marissa les reçoit dans sa boutique, lui permettant des ventes complémentaires.
Séfa assure également un marché par semaine au Guilvinec.
A la production !
La première année, il table tout sur la variété. Sur son étal, c’est une débauche de formes, de couleurs. « Sur mon étal au marché, j’ai fait de l’art », nous dit Séfa en riant. L’objectif est clair : se démarquer, attirer le regard. Au détriment du rendement sur certaines variétés au départ. Il fait alors évoluer très vite sa gamme, recherchant le rendement, et le goût, pour fidéliser sa clientèle. Chaque année, il teste de nouvelles variétés. « Quand le goût n’est pas bon, je ne garde pas. » Aujourd’hui, sa clientèle est avant tout constituée de personnes qui recherchent une qualité de légumes « comme autrefois ».
« Contrairement à la clientèle de la Biocoop, mes clients ne sont pas des militants. Ils n’achètent pas parce que c’est bio mais parce que c’est bon. Et ils te connaissent, ils savent là où tu produis. »
Une fois sa clientèle fidélisée, il s’autorise à proposer des légumes moins « jolis », moins connus, qu’il fait découvrir à ses clients. Aujourd’hui, il produit par exemple beaucoup de daïkon, le radis japonais.
Une approche pragmatique et scientifique
Le choix du bio ? Un choix plus pragmatique que militant pour Séfa : « Pour moi, c’est plus facile de faire du bio. » Pas besoin de mesurer les quantités de pesticides qui risquent de « brûler » les cultures ou de déteriorer les sols. Séfa étale du compost « et tout marche bien ».
En revanche, il passe beaucoup de temps à travailler son planning de culture. Suivant la variété qu’il souhaite planter, il va croiser les informations de manière scientifique (tests du GAB et du CIVAM, courbes météo, propriétés de son sol, ..), et en faire la synthèse. C’est en cela que sa formation en aménagement du territoire se révèle très utile au quotidien à la ferme.
« Le maraîcher expérimenté, c’est celui qui maîtrise son sol et qui maîtrise son temps. Leur planning de cultures, c’est leur trésor. »
On retrouve le pragmatisme de Séfa dans sa façon de gérer son temps de travail au quotidien.
Travailler moins pour travailler mieux… et plus longtemps
Quand on a abordé la question du temps de travail, la réponse de Séfa nous a surpris ! Elle allait à contre-courant de ce qu’on avait entendu sur le maraîchage. Mais sa logique est infaillible. « Quand je suis fatigué, je m’arrête. La planche de carottes que je fais en 20 minutes quand je suis fatigué, je la ferai en 7 minutes demain matin. » Se reposer améliore donc sa rentabilité. Dans cet esprit, Séfa a décidé de ne pas travailler le week-end (sauf en avril), et de prendre 7 semaines de vacances par an. Il ne veut pas sacrifier à la ferme sa vie de famille et ses loisirs.
Pendant ses vacances, il embauche un remplaçant. Sauf pendant le mois de janvier : les ventes sont trop faibles à cette periode pour rentabiliser un employé, et les cultures sont alors assez peu fragiles pour être laissées deux semaines sans surveillance.
J’aime bien ce métier donc je veux durer longtemps !
C’est aussi ce qui le motive a prendre soin de son corps. Travaillant seul, il a fait le choix d’inverstir dans la mécanisation. Ce qui lui permet également de gagner en productivité !
Retrouvez en détails les propos de Séfa dans l’interview vidéo en tête d’article !
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