La récolte : un enjeu stratégique en maraîchage diversifié
Dans une exploitation de maraîchage, la récolte représente un poste important : 20 à 30 % du temps y est consacré en moyenne sur l’année et jusqu’à 40 à 50 % en période faste. Une tâche très variée qui demande à être optimisée en termes de rentabilité et d’ergonomie de travail.
Il est possible de catégoriser les récoltes d’une exploitation en trois types :
- Les récoltes en gros volume, organisées selon des chantiers conduits en quelques fois et rapidement sur une période courte : cela concerne les légumes de garde, comme les pommes de terre, les carottes, les navets, les betteraves…Elles vont être intégrées dans l’emploi du temps général de l’exploitation. Les problématiques vont tourner, entre autres, autour des capacités d’entreposage, de la conservation et l’écoulement des stocks.
- Les récoltes échelonnées dans le temps considérées comme « rapides » : tomates, aubergines,… Elles ne vont pas être déterminantes sur les prix de revient et de vente.
- Les récoltes échelonnées dans le temps plus lentes : haricots, choux de Bruxelles, fraises, framboises, épinards (en plusieurs coupes), légumes bottes, asperges, blettes,…Elles demandent davantage de mobilisation, ce qui impacte le calcul du prix de revient.
C’est pour cette dernière catégorie qu’il est particulièrement nécessaire de se pencher de très près sur les questions de rentabilité de récolte et d’ergonomie de travail.
Viser un chiffre d’affaires de 50 à 100 €/heure de récolte
L’enjeu de la récolte est avant tout économique. L’objectif est de couvrir les coûts de production (semences, désherbage éventuel et tout intrant utilisé…) et les frais de main d’œuvre engendrés, exploitant ou salariés (du semis à la récolte), tout en dégageant une marge permettant de se rémunérer. Il s’agit de réaliser un chiffre d’affaires minimum, entre 50 et 100 €/h de récolte. « Par exemple, pour des haricots vendus 8 à 9 €/kg, il est nécessaire de récolter au moins 5 à 6 kg en une heure, incluant tri, nettoyage, conditionnement… », estime Charles Souillot, formateur-conseiller indépendant chez Stratégies Végétales.
Lire aussi :
Vente et stratégie de production
La problématique des enjeux de production des exploitations maraîchères face aux habitudes de consommation de leur client est un sujet qui revient régulièrement dans nos échanges avec les maraîchères et les maraîchers.
Faut-il vendre ce que je produis ? Ou produire ce que je vends ?
Récolter…ou pas ?
Avant de décider de récolter, il convient évidemment de contrôler l’état de la culture, qui résulte de la conduite. Si la production s’est déroulée dans des conditions optimales, toutes les chances sont de son côté. Mais il se peut qu’il y ait des problèmes d’hétérogénéité, de salissement qui demande un nettoyage des légumes…Dans ce cas, il est nécessaire de se poser les bonnes questions.
À partir des indicateurs de rendement/récolte et de chiffre d’affaires, le ou la chef·fe d’exploitation va pouvoir arbitrer si la production vaut la peine d’être récoltée ou si le temps de travail va être dédié à un autre poste. Cette décision n’est évidemment pas anodine, notamment en terme psychologique : il est très inconfortable “d’abandonner” une production, après tous les efforts qui y ont été mis. Mais il faut bien réfléchir car, si cette récolte est maintenue malgré des indicateurs économiques non rentables, c’est probablement au détriment du reste de la ferme. « La question est de savoir si toute la valeur de la production n’est finalement pas anéantie par le temps de travail demandé par la récolte. », fait remarquer le conseiller en maraîchage.
Un ordre de récolte à privilégier dans une journée ?
Dans la matinée, privilégier les légumes qui ont besoin de beaucoup d’eau afin d’éviter leur déshydratation et préserver la qualité : fraise, salade, épinards, légumes bottes… Comme les légumes racines n’ont pas ce genre de d’exigence, il est possible de les récolter à n’importe quel moment de la journée.
Ergonomie : s’équiper de petits outils pour faciliter la récolte
Il est important de penser ergonomie de récolte au niveau de la posture, pour limiter les problèmes physiques qui ralentiraient et même pourraient stopper le chantier. Il est également possible de gagner en temps et confort de travail en s’équipant de petits outils – chariot, sacs (picking bags), pince à botteler manuelle pour légumes, herbes,…
Des outils avec un plus grand dimensionnement peuvent également être envisagés, mais ils demandent évidemment un investissement plus important. A raisonner donc en fonction de la surface de l’exploitation et de la pertinence économique pour l’exploitation.
Lire aussi :
Être maraîchère aujourd’hui en France
Quand on propose aux maraîchères de prendre la parole, elles se saisissent de l’occasion. Pour elles, c’est la possibilité de s’exprimer sur des sujets qui leur tiennent à cœur, qui les animent au quotidien dans leur métier. Elles posent un regard affuté sur un métier en plein évolution.
Penser à la récolte…dès le semis
La stratégie de récolte est liée à toute la stratégie de l’exploitation. Il est nécessaire de bien connaître les débouchés afin de savoir si les produits vont être effectivement bien valorisés. Aussi, il faut être sûr que la conduite de cultures va être compatible avec un temps de récolte acceptable. Le choix des espèces et des variétés est donc déterminant. Au final, il s’agit d’assurer une cohérence vis-à-vis de la réalité économique sans négliger le confort de travail.
Pour conclure, la récolte est à la croisée de plusieurs pôles : la production, la vente et la logistique d’entreprise. A vous de trouver le bon équilibre entre chaque.
Trois points-clés à retenir
– Choisir des cultures pertinentes pour le contexte de son exploitation
– Viser un rendement/récolte cohérent
– Investir dans des petits outils peu coûteux et permettant des gains de temps
Articles connexes
[Dossier] Maraîchage : des modes de production en pleine évolution
Revue des différentes façons d’être maraîcher·ère aujourd’hui Si tous les maraîchères et maraîchers ont pour objectif de produire des légumes de qualité et en quantité suffisante pour s’assurer un revenu, ils ne travaillent pas tous sur le même modèle. Pour la...