[Vidéo] La Terre Ferme : «Quand on commence, on rêve tous de permaculture.»
Parcours d’un NIMA
Nous avons profité de la période hivernale pour rencontrer Etienne Teillard, quand il met en sommeil son activité agricole. Il exploite seul La Terre Ferme, une ferme d’un hectare et demi à Saint-Lunaire, sur la Côte d’Emeraude en Ille-et-Vilaine (Bretagne).
Pendant 10 ans, Étienne a travaillé chez Veolia eau dans la production d’eau potable. Pour lui, ce métier avait du sens. Au moment de sa reconversion, Etienne s’interroge : que produire qui ait du sens ? Après un parcours d’accompagnement, il réalise que produire des légumes est une reconversion qui lui apporte ce sens dont il a besoin dans son travail.
Mais en tant que NIMA (Non-issu du monde agricole), Etienne n’a pas de diplôme agricole. C’est en faisant le parcours à l’installation de la chambre d’agriculture (PPP) qu’il s’aperçoit que ce manque de diplôme ne lui permet pas d’avoir l’accès aux terres agricoles.
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Quand on pense formation au maraîchage, on imagine souvent l’aspect technique de la profession : choisir ses semences, construire un tunnel, récolter… Mais il existe une dimension à ne pas négliger, celle de chef.fe d’exploitation. Dans ce premier article nous aborderons les formations diplômantes initiales qui mènent au métier de maraîcher·e.
Avec sa compagne, ils décident alors d’acheter une maison à saint-lunaire, vendue avec 5000m2 de terrain. Ensuite, grâce à une formation du CIAP 35, il crée des liens avec les exploitants agricoles locaux. Un maraîcher du coin en fin de carrière lui propose alors de lui louer un hectare supplémentaire.
La découverte du maraîchage sur sol vivant
“Quand on s’installe, on rêve tous de permaculture”, se souvient Etienne. Les jardins sont beaux, colorés. Mais il se rend compte rapidement que financièrement, ça ne marcherait pas pour un exploitant seul qui voudrait se dégager un revenu. Il continue à se documenter sur les différentes pratiques agricoles et découvre les principes du maraîchage sur sol vivant (MSV).
Ce “mimétisme de la forêt” qu’est le MSV le séduit, par son respect de la microbiologie du sol, qui permet les apports en oligo-éléments dont les plantes ont besoin (retrouvez les explications d’Etienne en détail dans la vidéo en tête d’article).
Il en voit également les avantages du MSV en termes d’investissements. Sans travail du sol, le besoin en équipement est moindre. “Il y a seulement ce gros travail initial d’étaler le carbone au sol. On a également une terre beaucoup plus meuble, et moins d’herbes qui poussent. Donc un travail de désherbage et de binage en moins à faire, ce qui représente un vrai gain de temps.”
Le choix du non-investissement
On dit qu’il faut 5cm de carbone sur le sol. Mais comment trouver ces 5 cm de carbone à étaler sur 2500 m2 ? Les premières années, il sollicite élagueurs et paysagistes du secteur, qui lui apportent du broyat d’arbres et de la tonte. Puis il s’aperçoit que la déchetterie à proximité évacue chaque quinzaine le broyat apporté par les particuliers. “Ce broyat, c’est la base de ma technique agricole.”
Cette technique agricole lui permet de ne pas travailler la terre. Ce qui est un gain de temps pour le maraîcher mais aussi, comme nous l’explique Etienne, un avantage financier. “Quand on regarde un peu toutes ces exploitations, on se rend compte que ce qui épuise les gens, c’est finalement cet investissement qu’ils ont fait avec des machines.”
Lui a fait le choix de ne pas investir : toutes les machines dont il a ponctuellement besoin sont disponibles à la location. Pas d’assurance, pas de problème de mécanique, pas de problème d’entretien … “C’est un choix stratégique de non-investissement.”
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« Pour passer en maraîchage sur sol vivant, l’année dernière j’ai eu peur car j’ai énormément embauché. Mais à la fin de l’année mon bilan était mieux que l’année où j’avais utilisé plus de pétrole et de plastique. Par contre là j’ai plus embauché. C’est beaucoup mieux. C’est de la redistribution. »
Trouver son rythme
La Terre Ferme est installée sur une commune du littoral, avec une très forte saisonnalité. Étienne reconnaît sa chance d’avoir accès à cette clientèle estivale nombreuse, avec un fort pouvoir d’achat. Mais à l’installation, en étudiant les chiffres de production des exploitations du secteur, il réalise que l’hiver, le contexte est très différent.
“Il y a beaucoup de travail fourni pour des ventes qui ne sont pas si extraordinaires que ça. Et finalement, on se rend compte que beaucoup d’anciens exploitants agricoles avaient une autre activité l’hiver. Ils faisaient du bois de chauffage, certains allaient travailler à l’usine ou comme cantonnier.”
Se pose alors la question de (bien) vivre de son exploitation. Il fait alors le choix d’une grosse production saisonnière de mi-mai à mi-décembre, et d’un arrêt de son activité au cœur de l’hiver. “Avec un temps de repos, de vacances, et temps d’intérim s’il le faut pour équilibrer le budget.” Une façon aussi de conserver une vie de famille avec ses quatre enfants.
Bien vivre de son exploitation, c’est aussi prendre soin de son corps. L’été, les journées sont longues et le travail est dense. “Et puis surtout, moi, j’ai 45 ans, je n’ai plus 30 ans.” N’étant pas outillé, Etienne fait tout à la main à la ferme. Alors, comment entretenir cet outil de travail qu’est son corps ? Il fait le choix de faire régulièrement du stretching-pilates. Cette pratique lui apporte donc du renforcement musculaire, des assouplissements, pour arriver à ne pas se faire mal. “Et c’est comme ça qu’on arrive à faire un travail assez conséquent, physique et pourtant sans aller tous les quinze jours chez l’ostéopathe.”
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« J’aime bien ce métier donc je veux durer longtemps ! Quand je suis fatigué, je m’arrête. La planche de carottes que je fais en 20 minutes quand je suis fatigué, je la ferai en 7 minutes demain matin. »
L’enjeu de la vente directe
La parcelle qui n’a jamais été exploitée a pu être labellisée en bio dès leur installation. Une autre parcelle, des terres agricoles, est encore en conversion. Le label le lui permettant, Etienne utilise des produits naturels comme le fer et le phosphate en anti-limace ou des probiotiques pour “booster” les champignons dans le sol.
Néanmoins Etienne s’interroge : le local n’est-il pas plus important, aux yeux du consommateur, que le bio ? “Est ce qu’il n’y a pas besoin d’une sorte de reconnexion à la terre et surtout que les gens se reconnectent à d’où viennent leurs produits ?” C’est pour cela qu’en plus du marché, La Terre Ferme ouvre son exploitation à la visite pour sa clientèle. Le fait qu’ils puissent voir, toucher, de beaux légumes de saison, fait selon lui partie de la mission du maraîcher en circuit court. “C’est un peu l’objectif de proposer aux personnes de ressortir de ces légumes que l’on voit dans les grandes surfaces, qui parfois manquent de saveurs, manquent de couleurs et manquent de vitamines.”
Redonner ses lettres de noblesse au légume
Il se questionne également sur la place des légumes dans notre alimentation. Observant sur le marché la différence de clientèle entre les vendeurs de poisson, de viande et de légumes. “Je vois que moi, j’ai 95 % de clientèle féminine et 5% de clientèle masculine. Alors que la poissonnière d’à côté a moitié-moitié. Et c’est vrai que les hommes qui repartent avec le poisson me regardent d’un regard … et puis s’en vont. Et je me suis dit, finalement est-ce que le légume est un produit noble ?” Le légume n’est que l’accompagnement de la viande. Étienne souhaiterait rendre ses lettres de noblesse au légume. Mais les freins se situent à plusieurs niveaux.
Il aurait souhaité un étal plein de variétés anciennes, avec des formes et des couleurs variées. Pour se heurter à une certaine habitude alimentaire, voire à une crainte aussi, de ne pas aimer ce légume qu’on ne connaît pas. “Donc finalement on se rend compte que les personnes ont leurs habitudes et que la couleur sur l’étal, c’est pour attirer l’œil.” Il recommande un maximum de 20% de produits “originaux” pour 80% de légumes plus habituels.
Concernant les légumes anciens, il blâme surtout l’évolution de nos habitudes alimentaires. En particulier notre consommation de sucre, qui a été multipliée par 35 en 120 ans. Nos papilles étant habituées à des goûts beaucoup plus sucrés, elles goûtent peu les variétés anciennes de tomates, par exemple, qui ont peu évolué en sucre.
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La problématique des enjeux de production des exploitations maraîchères face aux habitudes de consommation de leur client est un sujet qui revient régulièrement dans nos échanges avec les maraîchères et les maraîchers.
Faut-il vendre ce que je produis ? Ou produire ce que je vends ?
Un exploitant pas si seul
L’emplacement de La Terre Ferme sur la côte, avec vue sur mer, a un autre avantage pour Etienne. “Ce qui est super sympa ici, c’est que comme c’est beau, j’ai plein de gens qui viennent m’aider.” Des jeunes retraité.e.s qui ont envie d’aider, des personnes citadines qui ont besoin de se reconnecter à la terre, viennent passer du temps sur l’exploitation. “Comme c’est le début d’une ferme, il y a du bois à couper, à tailler, il y a du broyat à étaler, il y a des zones à retrouver. Il y a beaucoup de boulot chronophage et qui n’est pas forcément du boulot que j’aurai à faire plus tard. Donc pour tout ce travail de masse au début, j’ai eu un accompagnement extraordinaire.” Etienne fait remarquer qu’autrefois, c’était souvent le travail du cédant qui, à la retraite, continuait à travailler quelques années pour aider son enfant à s’installer.
C’est pour cela qu’il tient à conserver une ferme toujours « présentable ». Que ce soit pour la clientèle ou pour les personnes aidant. Il s’astreint ainsi à ranger les tas de bois, voire à ranger le plastique. “Les gens, pour s’intéresser à quelque chose, ont besoin de beau.”
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Maraîchage et entraide : la force du réseau
On a parfois cette image du maraîcher et de la maraîchère solitaires. Ce serait oublier qu’une entreprise fonctionne avec ce qui l’entoure.
Une personne qui démarre son exploitation a la possibilité de nouer de nombreux liens. Cela contribuera à bien lancer son activité en limitant les erreurs et en se lançant plus sereinement.
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