Cultures diversifiées : comment piloter l’irrigation ?

3/06/22

Irrigation agriculture biologique

En maraîchage, le pilotage de l’irrigation est un enjeu majeur dans la conduite de cultures, afin de préserver rendement et qualité. L’objectif est de trouver le juste équilibre entre le ni trop, ni trop peu…Voici quelques conseils pour optimiser la gestion de l’eau.

Dans les serres comme dans les champs, la grosse période d’irrigation se situe entre avril/mai et septembre/octobre. Quand le climat devient asséchant, il est difficile de se dispenser d’apports en eau. Les apports d’eau peuvent continuer en dehors de ces mois mais les demandes sont dans tous les cas moindres.

L’eau est essentielle à la croissance des plantes : en effet, un stress hydrique peut augmenter la pression maladie et empêcher une alimentation correcte en nutriments ; à l’inverse, un excès va bloquer leur développement et peut entraîner le lessivage des éléments dans le sol. Résultat, cela joue sur le rendement et la qualité, avec des conséquences évidemment économiques.

Les symptômes de stress peuvent être observés dès le début, avec une mauvaise reprise des plantations et des semis. Ils divergent également selon le type de légumes :

  • Blocage ou retard de végétation et perte de poids pour les légumes feuilles
  • Blocage des légumes sensibles comme le céleri rave ou le poireau
  • Problèmes de nouaison, d’assimilation de calcium, de tenue de calibre et/ou développement d’un système racinaire superficiel pour les légumes ratatouille sous-irrigués.

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Préparer son système d’irrigation

Que ce soit sous abri ou au champ, l’irrigation des légumes est incontournable dans les exploitations maraîchères. Lors de l’élaboration de son système, il est nécessaire de se pencher sur plusieurs paramètres. Voici quelles sont les principales étapes de raisonnement.

 

Estimer les besoins en eau au préalable

 

Avant de déclencher l’irrigation, il est nécessaire d’estimer les besoins en eau des cultures. Plusieurs méthodes sont à disposition des maraîcher.ère.s pour cela.

 

Se baser sur l’évapotranspiration maximale (ETM) de la culture

 

Plus les plantes transpirent, plus elles évacuent de l’eau, plus elles vont avoir besoin d’eau. Logique.

Pour évaluer ces pertes et y pallier, il est possible d’estimer l’ETM d’une culture, qui prend en compte l’évapotranspiration potentielle (ETP) à laquelle on applique un coefficient cultural (Kc).

ETM = ETP X Kc

évolution des besoins en eau au cours du cycle – exemple de la tomate

Evolution des besoins en eau au cours du cycle – exemple de la tomate

L’ETP représente une partie de l’eau qui pénètre dans le sol et est directement évaporée dans l’atmosphère et par la plante. Elle se fait surtout à la surface du sol et dépend du vent, du rayonnement et des températures.

Pour une serre, l’ETP est calculé à partir du rayonnement pénétrant dans la serre et dépend de la nature des matériaux de couverture. Les modèles climatiques établis par Météo France permettent de disposer de mesures d’ETP fiables.

Comme les besoins des plantes évoluent au cours du cycle, le coefficient cultural varie également selon le stade et, bien sûr, la culture en place.

coefficient cultural Kc selon le type de légumes et le stade

« L’écueil de cette méthode, c’est que s’il y a une multitude de légumes sur l’exploitation, cela peut être compliqué et rébarbatif de tout calculer à chaque fois. » estime Charles Souillot, conseiller en cultures maraîchères chez Stratégies Végétales.

 

Installer des sondes tensiométriques dans les parcelles

 

Autre possibilité pour piloter l’irrigation : les mesures des sondes tensiométriques, qui vont donner une indication sur la disponibilité en eau dans le sol. « Cette méthode est plutôt adaptée aux grosses structures et pour les cultures longue durée, en raison du caractère statique de ces sondes et de leur coût», indique le consultant en maraîchage.

Les sondes tensiométriques permettent d’évaluer la tension en eau du sol après que la culture a consommé une partie des réserves et de suivre la progression du front d’humectation : en effet, les tensions doivent redescendre quelques heures après l’irrigation.

L’installation de deux tensiomètres est préconisée dans chaque parcelle : l’un sera placé en surface et un autre, plus en profondeur pour contrôler les excès d’eau et l’éventuel lessivage. Les mesures des appareils doivent évoluer de manière similaire. Si ce n’est pas le cas – avec des mesures qui varient d’un côté et très peu de l’autre, – cela suppose un problème d’enracinement ou de durée d’irrigation. A creuser donc.

A partir des tensions mesurées en centibars (cb), en découlent une interprétation du niveau d’eau dans le sol et une consigne d’irrigation.

consignes d’irrigation selon la mesure de la tension en eau dans le sol

Évaluer l’humidité du sol à l’aide d’une tarière

 

Une dernière méthode facile à mettre en œuvre est l’utilisation d’une tarière. A partir de l’observation de la carotte, il est possible d’évaluer l’état d’humidité du sol, de très sec à boueux en cas d’excès d’eau. Puis de décider si une irrigation est nécessaire ou non.

Il est recommandé de réaliser des prélèvements de terre sur plusieurs niveaux. Si la carotte est sèche en profondeur, il est nécessaire d’augmenter la durée des aspersions. Si la sécheresse se manifeste uniquement en surface, c’est sur la fréquence d’arrosage qu’il faut jouer.

Déclenchement de l’irrigation : préférer l’automatisation au manuel

 

Une fois l’évaluation des besoins en eau des cultures réalisée, il va être possible de définir les fréquences d’irrigation sur la base du débit-horaire de son système. Globalement, d’une année sur l’autre, les mêmes tendances d’irrigation sont observées, avec évidemment des ajustements à faire selon le climat enregistré.

Le débit horaire va être déterminé, soit selon les données constructeurs, soit en le mesurant. Pour ce faire, rien de plus simple : placer un récipient sous la deuxième ou troisième sortie du système de goutte-à-goutte, ainsi que sous l’une des dernières sorties, et quantifier le volume obtenu pendant une heure. Autre avantage de cette méthode : détecter un éventuel dysfonctionnement.

Si le pilotage de l’irrigation est envisageable en manuel, l’automatisation des ouvertures et fermetures des vannes apporte un confort de travail non négligeable. Ce qu’il faut : des électrovannes reliées à un ou plusieurs programmateurs . Pas besoin forcément d’un système électrique pour installer, il existe du matériel à pile ou connecté par Wi-Fi. Le système permet de gagner beaucoup de temps, d’adapter l’irrigation au plus près des besoins en eau des plantes et va être vite amortie au regard des gains engendrés.

Ainsi, en manuel, l’irrigation peut demander au moins 2 h de temps par jour : « Cela revient à « perdre » 180 h minimum, qui ne seront pas utilisées pour d’autres tâches plus rentables sur les 6 mois où la production est intense. Pour un coût de main-d’œuvre à 15 euros de l’heure, l’impact économique parle de lui-même », avertit Charles Souillot. L’ automatisation, quant à elle, va nécessiter « seulement » une heure de temps par semaine pour gérer la programmation sur les différentes cultures et 2 à 3 heures de surveillance de toute façon nécessaires pour suivre la bonne marche des cultures.

Sachant que, selon la taille de l’exploitation, l’investissement demandé peut aller de 500 à plus de 2000 €, selon le nombre de programmateurs et d’électrovannes installées. Mieux vaut donc ne pas hésiter trop longtemps à automatiser ce poste, même dans les petites structures.

 

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[Vidéo] Les paniers enchamptés : « Ma stratégie pour durer, c’est bien me reposer »

Citation maraîchage

« J’aime bien ce métier donc je veux durer longtemps ! Quand je suis fatigué, je m’arrête. La planche de carottes que je fais en 20 minutes quand je suis fatigué, je la ferai en 7 minutes demain matin. »

Article rédigé par Audrey Allain - Le 3 juin 2022

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