L’eau, ressource et enjeu stratégique

15/06/22

Sécheresse économie d'eau en maraîchage

Plus il fait chaud, plus les besoins en eau des plantes sont importants… et plus les ressources s’amenuisent. Météo France alerte face au risque de canicule en cette fin de semaine (maximales au-dessus de 35°C couplées à des minimales supérieures à 20°C), et qualifie la précocité de cet épisode de chaleur de « remarquable ». Alors qu’une « plume de chaleur » – le nom tient plus à la forme de l’anticyclone qu’à la légèreté du phénomène – s’installe sur la France, il nous semble important de faire le point sur les ressources en eau, un sujet plus que jamais stratégique en maraîchage.

Une tendance à la sécheresse qui se confirme

 

Après un automne particulièrement sec, et malgré les précipitations du mois de décembre, la France a subi un déficit en précipitations de 40% depuis janvier, ce qui a n’a pas permis de recharger les nappes phréatiques avant la saison estivale. Or, les épisodes de chaleur ont commencé très tôt cette année avec le mois de mai le plus chaud et le plus sec jamais enregistré au niveau national.

Un déficit en pluviométrie a été observé partout, atteignant jusqu’à 89% à Quimper et à Lorient au mois de mai. Sur l’ensemble de la Bretagne, l’ensoleillement a été plus important qu’en plein été, dépassant partout les 200 heures, avec un excédent de 17% à Brest, 42% à Dinard, et 49% à Nantes (282 heures de soleil cumulées au lieu d’une norme mensuelle de 189 heures). Quant aux températures, avec des maximales supérieures de 2°C à 3,7°C à la normale, ce mois de mai est le second le plus chaud en Bretagne depuis les relevés, derrière mai 1989.

La sécheresse s’installe donc précocement sur une grande partie du territoire français, alors que nous démarrons la saison avec des réserves déficitaires. Au moment où nous écrivons cet article, 35 départements connaissent déjà des restrictions sur les usages d’eau potable. C’est le cas de l’Ille-et-Vilaine placée en « alerte sécheresse » depuis le 24 mai. Si la situation venait à s’aggraver, des mesures pourraient s’appliquer sur les prélèvements des eaux de surface et les forages à usage agricole.

Des ressources en eau substantielles au niveau national, mais à relativiser

 

Selon l’OMM (Organisation Météorologique Mondiale), plus de 2 milliards d’êtres humains sur Terre vivent actuellement sans accès à l’eau potable. 107 pays ne sont pas pour le moment sur une trajectoire de gestion durable de leurs ressources en eau. Si rien ne change, 5 milliards de personnes manqueront d’eau en 2050.

En comparaison, la France est plutôt très bien dotée en eau. En effet, selon le SDES (Service des Données et Études Statistiques, sous la tutelle du ministère de la Transition écologique), sur les 210 milliards de m3 d’eau douce renouvelable du pays, nous ne prélevons chaque année que 31 milliards de m3. Seuls 15 à 20% de l’eau douce renouvelable du pays sont donc utilisés pour l’eau potable et les activités économiques (agriculture, industrie, loisirs, refroidissement des centrales électriques).

Pour autant, ces chiffres, plutôt rassurants de prime abord, sont à nuancer : en effet, le prélèvement massif d’eau l’été, au moment où les ressources se renouvellent le moins, entraîne localement des conflits d’usages qui mènent à des restrictions. En effet, 60% des consommations en eau ont lieu de juin à août. Ces tensions sur les ressources génèrent également une pression sur les milieux naturels, qui eux aussi, ont besoin d’eau pour perdurer.

Qu’elles soient de surface (rivières, lacs, étangs, canaux, retenues…) ou souterraines (nappes phréatiques), les ressources en eau sont inégalement réparties sur le territoire. Cela dépend notamment des configurations géologiques : la Bretagne fait partie des régions dont les ressources souterraines sont moins importantes qu’ailleurs, en raison de la faible perméabilité de son sol granitique. Les ressources ne sont pas non plus nécessairement situées là où les besoins sont les plus importants.

Le manque d’eau, symptôme du réchauffement climatique

 

Depuis plusieurs années, nous observons un assèchement rapide des sols en surface au printemps : un phénomène en lien avec le réchauffement climatique. Sans tomber dans l’écueil de confondre météo et climat, il faut se rendre à l’évidence : selon l’OMM, depuis 2000, le nombre et la durée des phénomènes hydrologiques extrêmes ont nettement augmenté : les inondations ont bondi de 134% et les sécheresses se sont amplifiées de 29%.

Comme l’explique l’hydrologue Emma Haziza, la sécheresse est le premier effet visible du réchauffement climatique. La chercheuse distingue les eaux bleues (les ressources de surface et souterraines, dans lesquelles nous puisons), des eaux dites « vertes », contenues dans le sol et permettant la vie de ces derniers. Plus les sols s’appauvrissent en matière organique, plus l’eau s’en évapore et plus les sols s’aridifient, impactant fortement la capacité des plantes à capter l’eau dont elles ont besoin. Or, on le sait peu, la vapeur d’eau est le premier gaz à effet de serre : c’est donc un cercle vicieux.

Organiser la gestion de l’eau en maraîchage 

 

On ne peut évidemment pas régler le problème du réchauffement climatique à l’échelle d’une exploitation, mais il est possible de réfléchir à son système pour s’adapter aux changements et anticiper les évolutions à moyen et long terme. Dans un contexte d’hygrométrie de moins en moins prévisible, nous vous proposons une série d’articles pour gérer les ressources en eau au quotidien à la ferme.

 

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À terme, envisager des cultures moins gourmandes en eau

 

Au-delà des économies qui peuvent être réalisées en optimisant l’irrigation, penser un maraîchage plus sobre en eau peut passer par le choix de cultures plus résistantes au stress hydrique et ne nécessitant pas d’apport exogène en eau.

Pour Charles Souillot, il est aujourd’hui compliqué de recommander aux maraîchers d’opter pour des cultures qui exigent moins d’eau, d’autant plus qu’ils doivent répondre à la demande de leur clientèle et qu’il n’est pas toujours évident de faire évoluer une gamme.

« Certaines variétés sont capables d’exprimer un rendement avec un peu moins d’eau, mais ça n’est pas le cas d’espèces comme la salade par exemple. La majorité des légumes ont des besoins en eau non négociables. Certaines cultures plus longues, comme la tomate, peuvent supporter des stress hydriques, mais le rendement sera moindre qu’avec une irrigation correcte. »

Des travaux sont en cours, en particulier dans les régions méridionales plus souvent sujettes à la sécheresse, pour identifier des variétés plus tolérantes au stress hydrique sur certaines espèces. Ces recherches n’en sont qu’à leurs balbutiements, mais méritent le plus grand intérêt.

 Soyons vigilants, mais pas catastrophistes

 

Certes, le printemps a été sec, et l’été pourrait bien suivre cette tendance, même si nous ne pratiquons pas les arts divinatoires, à La Voix du Maraîcher. Si les précipitations continuent à manquer, la véritable inquiétude concerne les fermes qui ne bénéficient pas de ressources en eau fiables et accessibles. Cependant, pour les maraîchers qui ont pu effectuer un arrosage régulier, les températures ont permis une belle croissance des plantes, un bon état sanitaire des cultures, et une certaine précocité sur les légumes d’été.

Et en ce qui concerne la variabilité de l’hygrométrie à plus long terme et les impacts du réchauffement climatique, les maraîchers disposent d’un certain nombre de leviers pour aller vers plus d’autonomie et de résilience, pas à pas.

Article rédigé par Marie Geffroy - Le 15 juin 2022

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